Arédit a publié jadis 3 revues différentes qui
ont porté ce nom de « Névrose ». Pour cet article, nous allons jeter
un œil à la deuxième série. Pourquoi seulement celle-ci ?
La troisième série « Névrose », qui a connu
5 numéros, était en fait un rebrochage d’autres séries. Autrement dit, on
changeait la couv et on proposait en fait, un ancien numéro d’une autre revue
(comme L’Inattendu, Etranges Aventures ou Il est minuit).
La première série, de son côté, est très
intéressante, mais j’en parlerai dans un article plus global car elle fait
partie de ces revues qui sont des adaptations en BD des romans populaires du
Fleuve Noir.
Couverture de Névrose #2 (à gauche) de la première série. Ici une mise en BD d'un roman de Jean Murelli (couv du roman à droite, au Fleuve Noir coll. Angoisse)
La deuxième série, celle dont on va parler, est
une publication d’histoires de chez DC Comics. Elle a duré 16 numéros entre
1985 et 1987.
Pour ceux qui ont lu l’article sur les New Teen
Titans, 1987 doit leur parler comme étant la fin d’Arédit et de DC en France pour
une décennie.
Pour l’occasion de l’article, j’ai sorti deux
numéros de cette série Névrose que j’ai en ma possession. Après avoir regardé
le sommaire de la revue en général, nous nous intéresserons à l'un d'eux pour tenter de mieux comprendre leur publication.
Bref.
Les couvertures des #5 et #7
Cette revue fait partie de la collection « DC Pocket ».
Autrement dit, pour les puristes et autres fans du comics actuel ou du format
classique, ça risque d’être compliqué à apprécier.
Les Pocket de chez Arédit sont dans un beaucoup
plus petit format et sont en noir et blanc. Ce n’est pas un format poche comme pour
les livres, c’est un peu plus grand, mais… bon, bref, autant vous montrer.
On remerciera Lévi-Strauss pour la photo qui suit
et qui me fait, accessoirement, passer pour un intello qui ne lit pas San-Antonio :
Névrose est au deuxième plan. Vous pouvez voir que le Pocket Arédit est légèrement plus grand qu'un poche classique
Et là, une photo pour estimer le format par
rapport à un comics classique (ci-dessous, donc, une publication kiosque
Panini) :
Et ici au premier plan la revue Névrose par rapport à un kiosque de "taille comics"
Ce format pocket est classique pour les séries
pour adultes, même si la violence de ces comics a de quoi faire sourire les
fans de Garth Ennis ou de Wolverine. Mais passons au contenu !
Le principe de Névrose, comme d’autres revues,
est de mêler beaucoup de brèves histoires horrifiques. En 128 pages de BD, on a
jusqu’à 15 histoires différentes, issues de presque autant de séries US, avec notamment
du House of Secrets, House of Mystery, Unexpected. On trouve aussi du Elvira et
du « V » adaptation de la série télé qui finit ici après l’échec de
son mensuel consacré.
Elvira (couv du #8) et V (couv du #11)
Cet ensemble d’histoires très variées sur le
thème de l’horreur et du surnaturel permettra à un lecteur d’aujourd’hui d’avoir,
en un numéro, un aperçu assez complet de ce type de production.
Prenons donc notre numéro 5 qui contient 13
épisodes. Il contient deux histoires issues de Unexpected #218 (Alligator Alley,
et The mask of Medusa), deux histoires issues de House of Secrets #135 (The vegetable
garden ! et Big fish in a small pond), deux histoires du #136 (Buried treasure
et Last voyage of the Lady Luck), deux histoires du #137 (The harder they fall
et Suit of lights), trois histoires de Dr Fate (l’une issue de DC Special
Series #10, une autre de First Issue Special #9 et la troisième de More Fun
Comics #56).
C’est ce que nous apprend l’indispensable base
ComicsVF.
Ils annoncent deux épisodes supplémentaires sans
avoir trouvé l’équivalent américain :
Un épisode intitulé « Une joie sadique »,
dont, après recherche, je puis vous dire qu’il est en fait la deuxième histoire
de la revue Plop ! #3, parue aux US en janvier 1974 sous le titre « Belly
Laugh » par Maxene Fabe et Bill Draut.
planche US de l'histoire "Belly Laugh". La version française perd les couleurs et des détails.
On notera dans la version française des modifications de la proportion des cases. Ainsi la dernière case se retrouve en début de page suivante dans Névrose. Cela permet aussi à Arédit de ne pas trop réduire le dessin et d'avoir des bulles lisibles !
La dernière histoire est problématique. Elle est
extrêmement brève (deux pages !), titrée simplement « Archives
secrètes du Dr Treize » et sans crédit. Il s’agit très certainement d’une
référence au « Dr 13 » de DC qui apparaît pour la première fois dans
Star-Spangled Comics #122 en 1951. Ses apparitions sont toujours dans de brèves
séries, mais impossible de mettre la main sur celle-ci en particulier, surtout
que finalement, on n’y voit pas le Dr Treize. C’est une histoire brève de
fantôme mettant en scène un M. Simpson en 1906 qui aurait été réveillé par le
fantôme de sa mère et qui l’aurait sauvée d’une mort par asphyxie à cause d’un robinet
de gaz ouvert…
Ce résumé est d’ailleurs intéressant car il
montre bien que ces comics, dans les années 70 (même si Arédit les publie dix
ans plus tard) sont vraiment axés sur des mystères, des choses inexplicables,
surnaturelles ou fantastiques.
On se souvient des Contes de la Crypte, le
comics, mais aussi le film de Romero (le premier, hein, tâchons d’oublier le
second). De brèves histoires additionnées et « effrayantes », où les
mythes deviennent vrais (dans ce numéro, le masque de Méduse ou même les
aventures du Dr Fate).
On trouve même un numéro du Golden Age ici, vendu
comme comme tel par Arédit : « Un classique de l’Âge d’Or ». Il
s’agit du numéro de Dr Fate issu de More Fun Comics #56 de juin 1940.
Ce numéro de More Fun Comics contenait pleins de
brèves histoires de personnages totalement oubliés à part le Spectre et peut-être
Congo Bill. Il est intéressant de voir que le numéro s’ouvre sur une histoire
du Spectre et se termine sur l’histoire de Dr Fate ; le reste ne semblant
alors être réservé qu’à des héros/aventuriers de second rang ou a minima, bien
moins vendeurs ! Il faut dire que c’est alors le Spectre qui fait vendre
cette revue comme le montre cette pub à la fin de ce numéro US.
Pub à la fin de More Fun Comics #56 (de juin 1940) mettant en avant le héros principal de chaque revue.
Ainsi pour More Fun Comics, c'est bien The Spectre qui est la vedette, d'où son histoire en ouverture de magazine.
Voir qu’Arédit, en 1986, publiait même une
histoire du Golden Age dans une revue, montre à la fois la confiance de l’éditeur
envers son propre travail et l’intérêt que pouvait avoir une telle histoire.
Bien sûr, une revue avec seulement du Golden Age aurait probablement coulé en
1986 (et de toute manière, Arédit coula peu après), mais ça peut être un modèle
intéressant de présenter des histoires récentes et les mettre en perspective
avec une brève histoire du Golden ou du Silver Age.
Malheureusement, cela est moins facile à
présenter en librairie et l’annonce d’Urban concernant le kiosque est, bien que
prévisible, significative de la fin (définitive ou temporaire) du format
kiosque.
Cette revue Névrose est donc riche en diversité et
le fait d’avoir ce format est moins gênant pour ces histoires surnaturelles qui
supportent assez bien le N&B.
Ne nous y méprenons pas, le lecteur perd beaucoup
entre la réduction des planches et la perte des couleurs, mais c’est un bon
moyen pour les francophones d’avoir accès à des anthologies. En plus pour pas
cher ! C’est le genre de revue à 50 centimes sur une brocante...
Profitez sur une brocante ou dans un magasin de BD d’occaz,
mais aussi via Internet (Ebay et autres) où vous pourrez trouver ces revues
pour pas cher et passer de bons moments avec de brèves histoires horrifiques.
Petit récapitulatif sur cette revue :
Petit récapitulatif sur cette revue :
Névrose (2e série), édité par Arédit dans la collection "DC Pocket"
Parue de mars 1985 à octobre 1987.
16 numéros au total, bimestriel.
128 pages en n&b.
La série contient exclusivement du matériel US issu du catalogue DC Comics. On y trouve notamment des histoires issues d'Unexpected, Ghosts, House of Mystery, House of Secrets, mais aussi du Elvira's house of mystery, et la fin de la série V de 1985 dont la première partie avait été publiée dans une revue éponyme.
La taille de la revue empêche une pleine exploitation des planches d'origine. Arédit a redécoupé des planches pour les séparer (une partie sur une page, l'autre sur celle d'après).
On trouve quelques pépites du Golden Age (comme une histoire de Dr Fate de More Fun Comics de 1940), mais aussi des auteurs/dessinateurs connus comme Marv Wolfman, Don Heck, Gerry Conway, Paul Kupperberg, Carmine Infantino, Paul Levitz, Steve Gerber, Keith Giffen et même du Steve Ditko (dans le #7, l'histoire nommée "La fille du Diable") !